Mastication et orthodontie 2018-12-05T14:53:33+00:00

Project Description

Mastication et orthodontie

Chacun sait bien maintenant que la croissance des os du crâne et de la face est, en grande partie, « adaptative », c’est-à-dire qu’elle dépend de son environnement et des contraintes qui s’exercent au niveau des structures ostéo-cartilagineuses. Ainsi, quand le cerveau se développe, il entraîne le développement de la boite crânienne qui le contient.

Il en est de même pour le couple œil-orbite, ou bien encore pour la langue et la cavité buccale.

Mais les organes en développement ne sont pas les seuls à exercer des contraintes et à agir sur le développement. Les fonctions en sont aussi de grandes pourvoyeuses.

Parmi ces fonctions à même de délivrer des contraintes, trois sont particulièrement importantes à considérer ; ce sont :

  • la ventilation,
  • la posture
  • les fonctions motrices de la manducation qui ont la particularité d’apparaître progressivement dans le temps.

Ainsi, chronologiquement, chez le fœtus, la succion apparaît la première couplée dans un deuxième temps avec la déglutition. A la naissance, la succion-tétée-déglutition est opérationnelle. Et enfin, apparaît la mastication unilatérale alternée. C’est de cette dernière dont nous allons parler.

La mastication fait partie d’une super-fonction, la manducation (du latin manducare : manger) qui représente le temps buccal de la nutrition.

Elle regroupe de nombreuses fonctions : sensorielle, sécrétrice, posturale… et des fonctions motrices qui sont, d’un point de vue orthodontique, les plus intéressantes à considérer parce qu’elles influencent considérablement le développement des maxillaires et donc des arcades dentaires.

Si la succion-tétée-déglutition est éphémère, 20 mois dans les sociétés non industrialisées et ne va guère au-delà de 6 mois dans nos sociétés industrielles, elle n’entraîne pas moins pendant ce court laps de temps un développement de la mandibule que celle-ci ne retrouvera plus jamais ensuite. C’est un moment-clé de la prévention des rétromandibulies.

Une étude récente a d’ailleurs montré que le taux de cette dysmorphose dans un groupe d’ Indiens Boliviens qui ont conservé ce mode d’allaitement, une fréquence des rétromandibulies chez les adolescents de moins de 10 % contre pratiquement 50 % dans nos sociétés modernes.

Avec la survenue de l’alimentation solide et l’éruption des dents, la praxie de succion- déglutition va être progressivement abandonnée au profit de la mastication unilatérale alternée, elle-même rodée progressivement grâce au mâchonnement unilatéral alterné qui apparaît vers l’âge de 5 à 6 mois.

Cette praxie exerce des contraintes considérables qui vont de 20 kilos chez l’enfant à 35 kilos chez l’adulte et à ….120 kilos chez les Esquimaux, habitués à ramollir leurs bottes durcies par le gel quand ils se lèvent le matin.

L’impact de la fonction de mastication sur la croissance des maxillaires a été parfaitement décrit par P. PLANAS dans ses Lois du Développement.

Celles-ci se trouvent par ailleurs corroborées par les travaux d’ESCHLER en Suisse et ceux de LAGAIDA et WHITE aux USA. La mastication physiologique du sujet denté est donc la MASTICATION UNILATERALE ALTERNEE.

Pour s’exercer efficacement, elle nécessite 2 conditions : la première est une occlusion équilibrée, décrite par GISY, ses déterminants ayant été définis par HANAU. Les forces d’écrasement déclenchées sont ici très importantes. La seconde condition est la consistance des aliments mastiqués. En effet, les forces d’écrasement étant deux fois plus importantes quand on mord latéralement (GASPARD), c’est-à-dire en mastication unilatérale alternée, un aliment tel qu’un fruit juteux par exemple ne nécessite pas ce type de mastication ; le sujet ne va pas mettre en œuvre la praxie de mastication, car l’énergie déployée n’est pas justifiée, et, par conséquent, l’impact sur la morphologie des maxillaires devient inexistant.

L’équation pour déclencher une mastication unilatérale alternée est donc : occlusion équilibrée + aliment résistant.

Si l’occlusion n’est pas équilibrée, elle est inefficace et si l’aliment est mou, elle est inutile.

Quel est l’impact de la mastication physiologique de l’adulte sur la morphogenèse des maxillaires ? La mastication unilatérale alternée est une praxie dissymétrique, contrairement à la tétée qui est une praxie symétrique. Il faut donc envisager séparément les côtés droit et gauche.

Ainsi, quand un sujet mastique à droite, il allonge et élargit l’hémi-maxillaire supérieur droit alors qu’il allonge l’hémi-mandibule gauche ; l’hémi-mandibule droite au contraire s’épaissit tant au niveau du corpus que du condyle.

Une bonne alternance des gestes va agrandir un hémi-maxillaire, puis l’autre, et allonger une hémi-mandibule, puis l’autre, entraînant ainsi un développement symétrique des maxillaires avec coïncidence des milieux et prévention de l’encombrement dentaire supérieur et inférieur. A chaque geste, un frottement physiologique des dents avec micro-usure va se produire, incisives comprises, contribuant ainsi à leur bon recouvrement et à la prévention de la supraclusion incisive. La mastication physiologique est une remarquable matrice fonctionnelle. Ses carences sont à l’origine de pathologies en cascade : encombrement dentaire, qui, le plus souvent, est d’origine fonctionnelle, supraclusions, classes II subdivision, etc.

C’est dire que l’examen de la mastication est un temps capital de l’examen orthodontique. Sa séméiologie est représentée par l’étude des Angles Fonctionnels Masticateurs (AFMP) décrits par PLANAS. Bien que devant être conduite avec minutie, elle est simple et ne nécessite aucun appareil particulier. Par contre, elle est riche d’enseignement.

Le plan de traitement doit tenir compte de toutes ses anomalies. Négligée, la mastication dysfonctionnelle est à l’origine d’un grand nombre de récidives.

Des travaux récents de fondamentalistes tels que S. KILIARIDIS, S. YAMAMOTO, W. R. PROFFIT, C. KATSAROS, MAVROPOULOS , etc confirment le rôle de la mastication sur la morphologie crânio-faciale.

Cette fiche a été rédigée par Jacqueline KOLF – Présidente de l’AFPP et a été validée par le comité de lecture et de rédaction de la SFODF.